Acide sulfurique

L'acide sulfurique, nommé jadis huile de vitriol, ou vitriol, est un composé chimique de formule H 2 SO 4. C'est un acide minéral fort, contrairement aux acides organiques.


Catégories :

Produit chimique corrosif - Produit chimique qui réagit avec l'eau - Composé du soufre - Oxoacide

Définitions :

  • Diacide fort de formule de H2SO4 ; Oxydant. (GC) (source : ac-strasbourg)
Acide Sulfurique
Sulfuric acid.svg Schwefelsäure Ladungen2.svg
Sulfuric-acid-2D-dimensions.svgSulfuric-acid-3D-vdW.png
Structure de l'acide sulfurique.
Général
Nom IUPAC acide sulfurique
sulfate d'hydrogène
No CAS 7664-93-9
No EINECS 231-639-5
No RTECS WS5600000
PubChem 1118
ChEBI 26836
No E E513
SMILES
InChI
Apparence liquide hygroscopique, huileux, incolore, inodore[1]
Propriétés chimiques
Formule brute H2O4S (2H3O+ + SO42- (aq) )
Masse molaire[3] 98, 078 ± 0, 006 g·mol-1
H 2, 06 %, O 65, 25 %, S 32, 69 %,
pKa -3, 0 et 1, 9
Moment dipolaire 2, 72 D [2]
Diamètre moléculaire 0, 487 nm [2]
Propriétés physiques
T° fusion 100% : 10, 31 °C;

98% : °C;
93% : -32 °C;
78% : -38 °C;
74% : -44 °C;

65% : -64 °C [4]
T° ébullition (décomposition)  : 340 °C[1]
Solubilité Miscible avec l'eau et l'alcool (réaction exothermique) [4]
Masse volumique 1, 8302 g·cm-3 [4]
Thermochimie
S0liquide, 1 bar 19 J/mol·K
ΔfH0liquide -814 kJ/mol
Propriétés optiques
Indice de réfraction \textit{n}_{D}ˆ{25} 1, 4184 [2]
Précautions
Directive 67/548/EEC
Corrosif
C
Phrases R : 35,
Phrases S :  (1/2), 26, 30, 45,
Transport
80
   1830   

-
   1832   

80
   2796   
NFPA 704

Symbole NFPA 704

SIMDUT[5]
D1A : Matière très toxique ayant des effets immédiats gravesE : Matière corrosive
D1A, E,
SGH[6]
SGH05 : Corrosif
Danger
H314,
Inhalation Très dangereux : les vapeurs
peuvent être mortelles.
Peau Provoque de graves brûlures.
Yeux Provoque de graves brûlures.
Ingestion Toxique : provoque de graves
brûlures pouvant être mortelles.
Écotoxicologie
Seuil de l'odorat bas : 0, 15 ppm[7]
Unités du SI & CNTP, sauf indication contraire.

L'acide sulfurique, nommé jadis huile de vitriol, ou vitriol, est un composé chimique de formule H2SO4. C'est un acide minéral fort, contrairement aux acides organiques. Il est miscible à l'eau en toutes proportions, où il se dissocie en libérant des cations hydronium :

2 H2O + H2SO4 \begin{smallmatrix}\rightleftharpoons\end{smallmatrix} 2 H3O+ (aq) + SO42- (aq) .

L'acide sulfurique est naturellement présent en solution dans les pluies acides, mais aussi dans les nuages de la planète Vénus.

C'est un produit industriel de première importance, qui trouve de très nombreuses applications, surtout dans les batteries au plomb pour les voitures et autre véhicules, le traitement des minerais, la fabrication des engrais, le raffinage du pétrole, le traitement des eaux usées et les synthèses chimiques.

Propriétés et réactions

Propriétés physiques

Acide concentré et acide dilué

L'acide sulfurique pur est un liquide visqueux, incolore et inodore. Diverses impuretés le colorent fréquemment en jaune brun. Sa concentration est toujours quelquefois exprimée en degrés Baumé (symbole «°Bé»), qui mesurent en fait la densité du liquide, laquelle fluctue sensiblement selon la teneur en acide sulfurique.

Il peut être produit avec une pureté quasiment égale à 100 %, mais il tend à libérer du trioxyde de soufre en se rapprochant de son point d'ébullition de 610 K (337 °C) , où il donne de l'acide à 98, 3 % correspondant à l'azéotrope avec l'eau en vertu de l'équilibre :

H2SO4 \begin{smallmatrix}\rightleftharpoons\end{smallmatrix} H2O + SO3 : ΔH = 177 kJ·mol-1.

Presque tout l'acide sulfurique s'est décomposé en eau et trioxyde de soufre à 450 °C. À température plus élevée, la décomposition du trioxyde de soufre se poursuit en oxygène et dioxyde de soufre :

2 SO3O2 + 2 SO2.

C'est à la concentration de l'azéotrope qu'il est le plus stable, et c'est entre 95 et 98 % (soit [H2SO4] ≈ 18 mol/l) que l'acide sulfurique dit «concentré» est distribué commercialement, avec une masse volumique de l'ordre de 1 830 kg/m3, soit 66 °Bé.

Quand il est conçu pour être employé comme électrolyte pour batterie au plomb, l'acide est dilué à une concentration de 29 à 32 % (soit [H2SO4] ≈ 4, 2 à 5 mol/l), avec une masse volumique de 1 250 à 1 280 kg/m3, soit à peu près 30 °Bé.

Oléum et acide disulfurique

Articles détaillés : oléum et acide disulfurique.

À concentration élevée, l'acide sulfurique est en équilibre avec son anhydride, l'acide disulfurique :

2 H2SO4 \begin{smallmatrix}\rightleftharpoons\end{smallmatrix} H2O + H2S2O7.

L'acide disulfurique, aussi nommé acide pyrosulfurique, est en équilibre avec l'acide sulfurique et le trioxyde de soufre dans l'oléum résultant de la dissolution de trioxyde de soufre dans de l'acide sulfurique :

H2SO4 + SO3 \begin{smallmatrix}\rightleftharpoons\end{smallmatrix} H2S2O7.

On exprime la teneur en SO3 dans l'oléum en pourcentage de SO3 ajouté ou en pourcentage de H2SO4 équivalent si on ajoutait la quantité d'eau nécessaire : les concentrations usuelles sont l'oléum à 40 % (correspondant à 109 % H2SO4) et l'oléum à 65 % (correspondant à 114, 6 % H2SO4)  ; H2S2O7 pur est un solide fondant à 35 °C.

Acidité

L'acide sulfurique est un diacide, dont la première fonction acide est forte :

H2SO4 \begin{smallmatrix}\rightleftharpoons\end{smallmatrix} HSO4- + H+, pKa = -3, 0
HSO4- \begin{smallmatrix}\rightleftharpoons\end{smallmatrix} SO42- + H+, pKa = 1, 9

Seules quelques substances sont toujours plus acides que l'acide sulfurique : on les nomme «superacides». Ce sont principalement l'acide triflique HSO3CF3, l'acide magique HSO3F·SbF5 et en particulier l'acide fluoroantimonique HSbF6.

Les sels de l'acide sulfurique sont des hydrogénosulfates tels que KHSO4 et NaHSO4, et des sulfates tels que CuSO4 et [NH4]+2[SO4]2-.

Autoprotolyse

L'acide sulfurique anhydre est un liquide particulièrement polaire avec une permittivité de l'ordre de 100. Il est particulièrement conducteur à cause de sa forte ionisation par autoprotolyse :

2 H2SO4 \begin{smallmatrix}\rightleftharpoons\end{smallmatrix} H3SO4+ + HSO4-,

avec une constante d'équilibre valant à 25 °C :

Ke = [H3SO4+] × [HSO4-] = 2, 7×10-4.

La viscosité élevée de l'acide sulfurique pur, qui devrait s'opposer à la conductivité ionique du liquide, est en fait ignorée par un mécanisme d'échange de proton intramoléculaire analogue au mécanisme de Grotthuss à l'œuvre dans l'eau.

Les espèces en équilibre dans l'acide sulfurique à 100 % ne se limitent pas à celles indiquées plus haut, et s'étendent à l'ion hydronium ainsi qu'à l'acide disulfurique[8] :

ces concentrations étant exprimées par kilogramme de solvant H2SO4.

Réactions chimiques

Réaction avec l'eau

L'hydratation de l'acide sulfurique est particulièrement exothermique. On procède en versant l'acide dans l'eau, et non l'inverse, pour contrôler la protonation de l'eau en utilisant l'acide comme facteur limitant :

H2SO4 + H2O → H3O+ + HSO4
HSO4 + H2O → H3O+ + SO42−

En raison du caractère thermodynamiquement particulièrement favorable de l'hydratation de l'acide sulfurique, ce dernier est utilisé industriellement comme agent de dessiccation, surtout dans l'agro-alimentaire pour produire des fruits secs. Cet effet est si marqué que l'acide sulfurique peut brûler les matières organiques en ne laissant que le carbone, par exemple avec l'amidon :

(C6H10O5) n → 6n C + 5n H2O.

L'eau libérée par cette réaction est absorbée par l'acide sulfurique, et il ne reste qu'un résidu carboné. La cellulose du papier, quand elle est attaquée par de l'acide sulfurique, prend un aspect carbonisé sous l'effet d'une réaction identique. Sur du coton, l'acide sulfurique, même dilué, a un effet moins spectaculaire mais qui conduit malgré tout à la destruction du tissu.

Autres réactions

Comme l'ensemble des acides forts, l'acide sulfurique réagit vivement avec de nombreux produits organiques, les métaux en poudre, les carbures, les chlorates, les chromates, les nitrates, les permanganates, les fulminates, le fluosilicium et le bronze en poudre de façon particulièrement exothermique. La réaction peut être explosive.

Avec les bases

L'acide sulfurique concentré réagit violemment avec les bases fortes anhydres ou en solutions concentrées. Cela conduit aux sulfates correspondants, tel que le sulfate de cuivre, un sel sel de couleur bleue fréquemment utilisé en galvanoplastie et comme fongicide, obtenu par réaction de l'acide sulfurique sur l'oxyde cuivrique  :

H2SO4 (aq) + CuO<sub> (s) </sub> → CuSO4 (aq) + H2O (l) .
Avec les sels

L'acide sulfurique peut aussi être utilisé pour déplacer des acides plus faibles de leurs sels, ce qu'on observe par exemple lors de la formation d'hydrogénosulfate de sodium à partir d'acétate de sodium en libérant l'acide acétique :

H2SO4 + CH3COONaNaHSO4 + CH3COOH.

De façon identique, on peut produire de l'acide nitrique en faisant réagir de l'acide sulfurique sur du salpêtre et précipiter l'hydrogénosulfate de potassium qui en résulte :

H2SO4 + KNO3KHSO4 + HNO3.
Avec l'acide nitrique

L'acide sulfurique forme avec l'acide nitrique une substance agissant à la fois comme acide et comme agent de dessiccation, donnant naissance à l'ion nitronium NO2+ qui joue un rôle important dans les nitrations par substitution électrophile aromatique. Ce type de réactions, dans lequel la protonation survient sur un atome d'oxygène, intervient dans énormément de réctions en chimie organique. Il est surtout utilisé pour fabriquer de nombreux explosifs, tels que le trinitrotoluène, la nitroglycérine et la nitrocellulose.

Avec les métaux

L'acide sulfurique attaque les principaux métaux usuels en donnant un sulfate métallique par libération d'hydrogène. L'acide dilué attaque le fer, l'aluminium, le zinc, le manganèse, le magnésium et le nickel, mais seul l'acide concentré et chaud peut attaquer l'étain et le cuivre, alors que le plomb et le tungstène ne sont pas attaqués. L'attaque de l'étain par l'acide sulfurique libère du dioxyde de soufre plutôt que de l'hydrogène, au contraire de ce qu'il en est pour les autres métaux :

Fe (s) + H2SO4 (aq) H2 (g) + FeSO4 (aq) ,
Sn (s) + 2 H2SO4 (aq) → SnSO<sub>4 (aq) </sub> + 2 H2O (l) + SO2 (g) .

Ces deux schémas réactionnels sont emblématiques : l'acide sulfurique concentré et chauffé agit le plus souvent comme un agent oxydant, alors que l'acide dilué agit plutôt comme un acide typique, ce qui explique que l'acide chaud concentré libère de l'eau et du dioxyde de soufre en formant des sels avec le cuivre, le zinc et l'étain, tandis que l'acide dilué libère de l'hydrogène en formant le sel.

Avec le benzène

Attaqué par l'acide sulfurique, le benzène subit une substitution nucléophile aromatique conduisant à un acide sulfonique[9] :

BenzeneSulfonation.png


Occurrence naturelle

Sur Terre

L'acide sulfurique n'existe pas sur Terre à l'état pur à cause de sa particulièrement forte hygroscopie. On le trouve cependant dans les pluies acides, où il résulte de l'oxydation de l'acide sulfureux H2SO3 issu de la dissolution du dioxyde de soufre SO2 dans les nuages, le dioxyde de soufre étant produit par les combustibles fossiles soufrés.

Il se fome aussi par oxydation de minéraux sulfurés, tels que la pyrite FeS2, et peut acidifier l'eau de ruissellement au point de former un drainage minier acide (DMA) riche en acide sulfurique :

4 FeS2 (s) + 15 O2 (g) + 30 H2O (l) → 4 Fe (OH) 3 (s) + 8 (2 H3O+ (aq) + SO42- (aq) ).

Sur Vénus

Le dioxyde de soufre SO2 libéré surtout par le volcanisme de la planète Vénus est oxydé en trioxyde de soufre SO3 par les radicaux oxygène libérés par photodissociation du dioxyde de carbone CO2 sous l'effet du rayonnement ultraviolet de longueur d'onde inférieur à 169 nm ; ce trioxyde de soufre réagit ensuite avec les rares traces de vapeur d'eau présentes dans l'atmosphère de Vénus pour former des gouttelettes d'acide sulfurique à ∼ 75 %, essentiellement dans les couches nuageuses s'étageant entre 52 et 58 km d'altitude, à l'endroit où la pression et la température sont assez proches de celles de la surface de la Terre :

CO2 + hνCO + O
SO2 + OSO3
SO3 + H2O → H2SO4

Ces nuages produisent des virgæ, c'est-à-dire des précipitations qui se vaporisent sous l'effet de la chaleur croissante à mesure qu'on se rapproche du sol, typiquement à une altitude d'une trentaine de kilomètres, quand la température dépasse 300 °C. L'acide sulfurique se décompose en eau et trioxyde de soufre sous l'effet de la chaleur, puis le trioxyde de soufre se décompose à son tour en dioxyde de soufre et oxygène atomique à température toujours plus élevée, l'oxygène atomique tendant alors à oxyder le monoxyde de carbone CO en dioxyde de carbone CO2.

Sur Mars

Si l'acide sulfurique est actuellement a priori absent de la surface martienne, il aurait peut-être été abondant dans les étendues d'eau liquide existant toujours sur la planète Mars il y a près de 4 milliards d'années, à l'Hespérien, époque marquée par un intense volcanisme à l'origine de terrains géologiques actuellement riches en sulfates hydratés, surtout kiesérite MgSO4•H2O[10] et gypse CaSO4•2H2O[11], correspondant à l'éon stratigraphique nommé Theiikien.

L'eau liquide martienne, probablement abondante à l'époque précédente, le Noachien, aurait été chargée d'acide sulfurique suite aux éruptions volcaniques de l'Hespérien, ce qui aurait à la fois pour conséquence d'abaisser sensiblement son point de congélation — l'eutectique du mélange H2SO4•2H2O – H2SO4•3H2O gèle ainsi légèrement en-dessous de -20 °C, et celui du mélange H2SO4•6, 5H2O – H2O gèle autour de 210 K, température un peu inférieure à -60 °C[12], qui est la température moyenne actuelle sur Mars — et de conduire à la formation de sulfates plutôt que de carbonates. Ainsi s'expliquerait pourquoi, tandis que Mars possédait a priori une atmosphère de CO2 et de grandes étendues d'eau liquide, on n'y trouve presque pas de carbonates, tandis que les sulfates semblent, au contraire, en particulier abondants[13], [14] : la formations des carbonates est inhibée par l'acidité — que la présence de sulfates laisse supposer — (la sidérite FeCO3, a priori le carbonate le moins soluble, ne précipite qu'à pH > 5[15]) et la libération continue de SO2 par l'activité volcanique à l'Hespérien aurait déplacé le CO2 des carbonates qui auraient pu s'être constitués au Noachien pour les remplacer par des sulfates, comme cela se produit par exemple à pH faible avec le magnésium :

MgCO3 + H2SO4MgSO4 + H2O + CO2.

Sur Europe

Les données obtenues par la sonde Galileo en spectroscopie infrarouge sur le satellite Europe de la planète Jupiter présentent des absorptions caractéristiques interprétées comme provenant peut-être d'hydrates d'acide sulfurique. Étant donné que la dilution d'acide sulfurique dans de l'eau provoque un abaissement significatif du point de congélation, jusqu'à -60 °C pour certains mélanges, cela renforcerait la probabilité d'existence d'une couche de solutions aqueuses d'acide sulfurique à l'état liquide sous l'écorce gelée d'Europe. Cependant, l'absorption infrarouge observée par Galileo sur Europe pourrait aussi provenir de minéraux riches en ions sulfate[16].

Fabrication

L'acide sulfurique est actuellement principalement produit par le procédé dit «de contact», faisant intervenir un catalyseur, mais d'autres procédés sont aussi mis en œuvre à plus petite échelle.

Hydratation du trioxyde de soufre

La manière intuitivement la plus simple de produire H2SO4 est de dissoudre SO3 dans H2O, mais cette réaction est tellement exothermique qu'elle n'aboutit, quand elle est réalisée à grande échelle sans être suffisamment maîtrisée, qu'à produire de la vapeur d'eau et particulièrement peu d'acide.

La voie humide met en œuvre cette réaction en deux étapes. Initialement, de l'acide sulfurique est produit à l'état gazeux par hydratation du trioxyde de soufre :

SO3 + H2O → H2SO4 (g)  : ΔH = −101 kJ·mol-1.

Puis, l'acide est condensé à l'état liquide pour produire de l'acide sulfurique concentré à à peu près 98 % :

H2SO4 (g) → H2SO4 (l)  : ΔH = −69 kJ·mol-1.

Le SO3 utilisé dans cette réaction provient principalement de l'oxydation catalytique de SO2 (voir au paragraphe suivant), lequel peut provenir de la simple combustion du soufre dans l'oxygène ou de celle du sulfure d'hydrogène H2S, qui se déroule entièrement à l'état gazeux :

2 H2S + 3 O2 → 2 H2O + 2 SO2 : ΔH = −518 kJ·mol-1.

Procédé de contact

C'est le procédé industriel actuellement le plus largementmis en œuvre, nommé «procédé de contact» car il requiert le contact avec un catalyseur. Il se décompose en trois étapes :

  1. purification du dioxyde de soufre SO2,
  2. oxydation du dioxyde de soufre en trioxyde de soufre SO3 avec pentoxyde de vanadium V2O5,
  3. conversion du trioxyde de soufre en acide sulfurique H2SO4.

La purification du SO2 est indispensable pour éviter l'empoisonnement du catalyseur de l'étape n° 2 par des impuretés contenues dans l'air. On utilisait jadis du platine plutôt que du vanadium, légèrement moins efficace, mais le platine est plus cher et est plus aisément inhibé par des impuretés[17]. Le mécanisme de la réaction d'oxydation catalysée est le suivant :

a)  2 SO2 + 4 V5+ + 2 O2- → 4 V4+ + 2 SO3,
b)  4 V4+ + O2 → 4 V5+ + 2 O2-,

la réaction globale s'écrivant :

2 SO2 (g) + O2 (g) \begin{smallmatrix}\rightleftharpoons\end{smallmatrix} 2 SO3 (g)  : ΔH = −197 kJ·mol-1.

On atteint 96 % de rendement chimique avec V2O5 en désormais une température de 450 °C et une pression de 100 à 200 kPa ; le catalyseur ne sert qu'à optimiser la cinétique de la réaction, mais n'en déplace pas l'équilibre.

Le trioxyde de soufre est ensuite refroidi dans un échangeur thermique et recueilli dans une tour d'absorption où il est dissous dans de l'acide sulfurique concentré pour produire de l'oléum :

H2SO4 (l) + SO3 (g) → H2S2O7 (l) ,

qui est ensuite hydraté pour libérer de l'acide sulfurique, avec un rendement moyen de 30 % :

H2S2O7 (l) + H2O (l) → 2 H2SO4 (l) .

Procédé des chambres de plomb

C'est le procédé historique de production industrielle de l'acide sulfurique, actuellement beaucoup supplanté par le procédé de contact. Il assurait néanmoins toujours la moitié de la production d'acide sulfurique jusqu'au milieu du XXe siècle.

Le procédé des chambres de plomb, dans sa version la plus moderne (procédé Petersen), s'effectue par une réaction entre du dioxyde de soufre, de l'eau et de l'oxygène, qui se combinent pour donner l'acide sulfurique. Cette réaction est catalysée par des oxydes d'azote continuellement recyclés.

Introduit par John Rœbuck en 1746, ce procédé apporte un acide sulfurique moins concentré et contenant plus d'impuretés, plutôt conçu pour la fabrication des superphosphates.

Préparation en laboratoire

L'acide sulfurique peut être préparé en petite quantité en faisant brûler du soufre élémentaire pour produire du dioxyde de soufre SO2, qu'on dissout ensuite dans du peroxyde d'hydrogène H2O2 :

SO2 + H2O2 → H2SO4.

Sécurité

L'acide concentré et l'oléum réagissent avec l'eau en dégageant une grande quantité de chaleur. C'est pour cela qu'en milieu industriel, une dilution d'acide se fait toujours sous refroidissement. Il en est de même au contact avec la peau ce qui peut provoquer de graves brûlures. Il faut verser l'acide dans l'eau et non l'inverse : surtout parce que la densité de l'eau est moindre que celle de l'acide sulfurique, la faisant ainsi flotter au-dessus de l'acide et l'eau en plus grande quantité au départ de la dilution sert a dissiper la chaleur. Dans l'autre sens, l'exothermie peut faire bouillir subitement l'eau versée sur l'acide, ce qui cause des projections d'eau et d'acide particulièrement dangereuses.

L'inhalation de fumées et brouillards d'acide peut causer des lésions à long terme. La règlementation américaine et française limite à 1 mg·m-3 la concentration moyenne acceptable pendant un poste de travail. L'acide sulfurique est ininflammable, mais à des concentrations inférieures à 75%, il réagit avec l'acier carbone et d'autres métaux en dégageant du dihydrogène.

Les épandages d'acide sulfurique peuvent être dilués avec une grande quantité d'eau, alors que ceux d'oléum seront plutôt traités par un absorbant solide (argile).

L'acide sulfurique réagit avec des sulfures en libérant du sulfure d'hydrogène gazeux particulièrement toxique.

En France, l'acide sulfurique fait l'objet de la fiche INRS n°30.

Utilisations

Parmi les utilisations de l'acide sulfurique, on peut citer :

L'acide sulfurique a été utilisé au XIXe siècle pour la conservation de la viande.

Historique

En français, à la fin du XI° s. "vedriol" apparaît, pour désigner le sulfate de fer. Forme syncopée de vitri oleum (littéralement «huile de verre»), le mot vitriolum sert à désigner au Moyen Âge ainsi qu'à la Renaissance diverses substances d'aspect huileux ou vitreux, liquides ou solides, le futur acide sulfurique n'étant que l'une d'entre elles. Au XVe siècle, de l'acide sulfurique fut obtenu en distillant du sulfate ferreux hydraté, ou vitriol de fer, avec du sable.

Au XIXe siècle, Justus von Liebig découvrit que l'acide sulfurique répandu dans le sol augmentait la quantité de phosphore disponible pour les plantes.

Berkeley Pit est une fosse massive remplie d'eau chargée d'acide sulfurique et de métaux lourds à des taux particulièrement dangereux, à cause d'une ancienne mine fermée en 1982. En 1995, on y trouva 342 oies mortes après leur atterrissage sur l'eau toxique.

Vitriol et alchimie : le vitriol des philosophes

Le mot vitriolum se lit au XIIIe siècle, dans le Grand Albert (écrit par un Pseudo-Albert le Grand.

Selon Eugène Canseliet, le vitriol a pour synonymes le "lion vert" (chez Ripley), "l'émeraude des sages".

"Le vitriol ordinaire, c'est-à-dire le sulfate de fer ou couperose du commerce, ne doit pas être confondu avec le vitriol des philosophes, loirs même que Basile Valentin en eût apporté le procédé particulièrement simple de fabrication, qui consiste, sans plus, à calciner deux parties identiques de soufre et de fer en limaille, ainsi qu'à mettre le sulfure obtenu en digestion, au sein de l'eau de pluie. Le Rosaire des philosophes - Rosarium Philosophorum - le premier, établit la différence. "[18]

Les alchimistes donnent au terme "vitriol" une signification ésotérique, en l'interprétant comme un acronyme de Visita Interiora Terræ Rectificandoque Invenies Occultum Lapidem.

Traduction : "Visite l'Intérieur de la Terre, en Rectifiant tu trouveras la Pierre cachée". Le premier à le signaler est , semble-t-il, Gérard Dorn, un disciple de Paracelse, dans Congeries paracelsicæ chemiæ de transmutationibus metallorum, 1581, p. 144. L'idée prend corps chez Basile Valentin ; des gravures en ce sens se trouvent dans l'édition 1653 de l'Azoth de Basile Valentin (paru en 1624). On trouve l'emblème chez Johann Neithold Aureum Vellus; oder Güldenes Vleiss, Frankfurt (1733), mais, avant, sur le frontispice de l'édition de 1613 de La Toyson d'Or par Salomon Trismosin [1] [2]. Dans son Testament (1651), Basile Valentin écrit ceci :

"Le Vitriol est un notable et important minéral auquel nul autre, dans la nature, ne saurait être comparé, et cela parce que le Vitriol se familiarise avec l'ensemble des métaux plus que l'ensemble des autres choses ; il leur est particulièrement prochainement allié, puisque, de l'ensemble des métaux, on peut faire un vitriol ou cristal ; car le vitriol et le cristal ne sont reconnus que pour une seule et même chose... Car, quoique l'ensemble des métaux et minéraux soient doués de grandes vertus, ce dernier néanmoins, savoir le Vitriol, est seul suffisant pour en tirer et faire la bénite pierre [philosophale], ce que nul autre au monde ne pourrait accomplir seul à son imitation. "

Pierre-Jean Fabre, médecin et alchimiste de Castelnaudary, dans son Abrégé des secrets chymioques (1636) lut dans "vitryol" l'anagramme "l'or y vit".

Notes et références

  1. ACIDE SULFURIQUE, fiche de sécurité du Programme International sur la Sécurité des Substances Chimiques, consultée le 9 mai 2009
  2. (en) Yitzhak Marcus, The Properties of Solvents, vol.  4, John Wiley & Sons Ltd, England, 1999, 239 p. (ISBN 0-471-98369-1)  
  3. Masse molaire calculée selon Atomic weights of the elements 2007 sur www. chem. qmul. ac. uk
  4. SULFURIC ACID sur Hazardous Substances Data Bank. Consulté le 27 novembre 2009
  5. «Acide sulfurique» dans la base de données de produits chimiques Reptox de la CSST (organisme québécois responsable de la sécurité et de la santé au travail), consulté le 24 avril 2009
  6. Numéro index 016-020-00-8 dans le tableau 3.1 de l'annexe VI du règlement CE N° 1272/2008 (16 décembre 2008)
  7. Sulfuric acid sur hazmap. nlm. nih. gov. Consulté le 14 novembre 2009
  8. (en) Norman N. Greenwood, A. Earnshaw, «Chemistry of the Elements», 2e édition, Butterworth-Heinemann, Oxford, 1997, ISBN 0080379419.
  9. (en) Université de Calgary Reactions of Arenes. Electrophilic Aromatic Substitution.
  10. (en) R. E. Arvidson, F. Poulet, J. -P. Bibring, M. Wolff, A. Gendrin, R. V. Morris, J. J. Freeman, 1 Y. Langevin, N. Mangold et G. Bellucci, «Spectral Reflectance and Morphologic Correlations in Eastern Terra Meridiani, Mars», dans Science, vol.  307, no 5715, 11 mars 2005, p.  1591-1594 (ISSN 0036-8075) texte intégral (page consultée le 6 février 2010)  ] 
    DOI :10.1126/science. 1109509
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